Ce vendredi 25 septembre 2020, la commune de Moissac rendait hommage aux Harkis. Retrouvez ci-dessous le discours de Monsieur le Maire, Romain Lopez :
« Madame la Sous-Préfète,
Monsieur le vice-président du Conseil départemental,
Messieurs les représentants des associations d’anciens combattants,
Mesdames et messieurs les élus du Conseil municipal,
Chers Moissagais,
Cette cérémonie en hommage aux Harkis a une résonnance particulière pour moi, fils et petit-fils de pieds-noirs dont le grand-père, simple civil, disparu le 5 juillet 1962. Avec lui, des centaines d’autres européens et musulmans furent massacrés, égorgés par les barbares du FLN lors un crime contre l’humanité jamais reconnu par les autorités françaises et algériennes. Ces femmes, ces hommes, ces enfants de toutes origines et de toutes confessions, catholiques, juifs, musulmans, avaient commis aux yeux des fellaghas, un crime qui méritait la mort : celui d’aimer la France et de rester fidèle à la mère patrie. Les Harkis furent ceux qui payèrent le plus lourd tribu suite au cessez-le-feu signé le 19 mars 1962. Les historiens estiment jusqu’à 150 000 le nombre de harkis et leurs familles assassinés, souvent dans des conditions ignobles (coups de pierre, de baïonnettes, crucifixion, émasculations…). Face à la sauvagerie des partisans du FLN à l’égard des familles musulmanes attachées à la France, le gouvernement français de l’époque répondait par l’indifférence, le racisme, l’abandon. Si généreux avec ses ennemis, l’Etat français peut être implacable avec ses enfants les plus braves.
Quand certains d’entre eux parvinrent à rejoindre la France, le gouvernement ne trouvait pas mieux que de les parquer dans des camps, à l’exemple de celui de Rivesaltes dans les Pyrénées-Orientales. Un article sorti dans la presse ces jours-ci racontait l’histoire de ces dizaines très jeunes enfants morts lors de leur passage dans les camps de Harkis gérés par l’armée, enterrés sans sépulture décente par leurs proches ou par des militaires, dans les camps ou à proximité, et pour la grande majorité, sans plaque avec leur nom. Les Harkis perdaient leur terre, étaient rejetés de tous, et voilà que certains d’entre eux, notamment ces petits être innocents victimes d’une surmortalité infantile générée par les conditions sanitaires déplorables des camps, perdaient même jusqu’à leur identité. Déshumanisation absolue.
Aujourd’hui, ces sépultures ont disparu, enfouies sous la végétation et les ronces… Les Harkis auraient toutes les raisons du monde de détester la France. En effet, que penser d’un pays qui a livré à l’enfer ces enfants ? Et pourtant, les Harkis comme les Européens, qui pour beaucoup d’entre eux ont foulé la terre de France pour la première fois après l’indépendance algérienne, sont restés amoureux de ce pays qui avait bâti l’Algérie. Ce sol algérien qu’ils aimaient tant et qu’ils ne cessaient de s’en remémorer avec nostalgie, au cours des réunions de famille, les saveurs, les paysages, les anecdotes heureuses et malheureuses qui ponctuent chaque existence.
L’amour mystérieux qui rattache les Harkis à la France, le bachaga Boualam, ancien vice-président de l’Assemblée nationale, en était le meilleur des traducteurs. Ce fils de France l’a exprimé tout au long de sa vie : « La France est mon pays au même titre que vous, Monsieur Dupont. Nous l’avons défendu ensemble, sous le même uniforme, dans les plis du même drapeau. Le sang des vôtres et des miens s’est mêlé pour défendre cette terre de France sur laquelle je ne suis pourtant pas né. » Par ces mots, le bachaga traduisait la grandeur de notre Nation, une nation universelle, faisant ainsi écho à la sublime définition qu’en faisait son meilleur historien Jacques Bainville, je cite : « Le peuple français est un composé. C’est mieux qu’une race. C’est une nation. ».
L’histoire des Harkis, l’histoire des européens d’Algérie, incarne merveilleusement ce composé d’origines diverses, de confessions diverses, qui fraternisait autour d’un seul et même drapeau, autour d’une seule et même Nation. C’est pourquoi, l’histoire des Harkis, de ces Français musulmans de cœur et de volonté, devrait figurer dans les pages des manuels scolaires de ces générations d’aujourd’hui, désassimilées et en perte de symboles. Ces symboles si indispensables pour rassembler les familles qui composent notre pays et leur permettre de communier dans le même idéal.
La mémoire des Harkis, Français par le sang versé, se confond avec l’histoire de France : elle ne s’estompera pas car elle est éternelle comme l’est notre pays.
Honneur aux Harkis, honneur à ces Musulmans patriotes et à leurs descendants, honneur aux frères de cœur de mes aïeuls. Vive la France. »
Le discours en vidéo :
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